lundi 18 mai 2009

CHAPITRE 7: Le classement et le fonctionnement des voyelles.


  Pour obtenir le timbre d’une voyelle les résonateurs buccaux, oraux, labiaux et nasaux  offrent un large jeu de possibilités.  Il existe quatre critères pour distinguer les voyelles entre elles :

  • 1.     L’aperture :c’est pour chaque voyelle le degré le plus minime d’écartement des mâchoires nécessaire à sa réalisation et ou l’élévation de la langue. Le /A/ est ouvert par rapport au /i/ qui est fermé.
  • 2.     Le lieu d’articulation classe les voyelles des plus antérieures au plus postérieures ; un exemple de voyelle postérieure sera le /i/ et d’antérieure /u/.
  • 3.     La nasalité si le voile du palais s’abaisse cela autorise une résonnance nasale, c’est la différence entre le /m/ nasal et le /b/ oral, notons que c’est une particularité du français que d’avoir cette distinction comme trait phonologique.
  • 4.     La labialité, les lèvres peuvent en effet constituer un résonateur supplémentaire, on distingue alors les voyelles arrondies et  écartées,  c’est le trait qui oppose /i/ et /y/.

Tous ces critères se croisent dans l’illustration suivante, le trapèze articulatoire des voyelles françaises :

 

Comme nos mâchoires sont attachées en un point comme les deux branches d’un compas, les voyelles les plus antérieures demandent une articulation plus manifeste alors que l’articulation des voyelles postérieures est plus subtile. Ce trapèze devrait donc être un secteur pour mieux représenter la réalité mais il serait alors illisible. En contemplant cette illustration on comprend pourquoi le français donne la sensation aux étranger d’être une langue parlée du bout des lèvres, c’est que en effet deux tiers de nos voyelles sont antérieures.

Notons que les voyelles nasales ne se sous distinguent que par leur labialité et par leur lieu d’articulation, l’aperture ne faisant pas lieu d’observation.

  Il existe encore un autre critère de distinction des voyelles, c’est l’acuité, aigue ou grave, qui se déduit no pas du formant le plus bas mais au contraire du plus haut. En d’autres termes, toutes les voyelles si elles étaient chantées sur la même note donnerait la sensation d’être chantées à des hauteurs différentes, du fait de leurs formants. On perçoit aigues les voyelles dont la fréquence du plus haut formant est supérieure à 1600 Hz /i,y,E/. Remarquons que les nasales ont un formant haut correspondant à leurs corrélats oraux, mais par contre possèdent deux formant bas qui sont de même hauteurs pour les quatre nasales, ce sont ces deux formants bas qui, selon toutes hypothèses, sont responsables de leurs timbres particuliers.

En plus de ces caractéristiques intrinsèques il faut prendre en compte d’autres facteurs comme la coarticualtion qui veut que selon leurs voisinages les voyelles varieront légèrement, devenant plus ou moins antérieures et même dans certains cas prenant le trait de nasalité. Ce jeu de variation est également un indice sociolectal et dialectal infaillible.

Il faut aussi considérer le rôle de l’accentuation de la syllabe :

·      Dans une syllabe inaccentuée les voyelles tendent à devenir moyennes.

·      Dans les syllabes accentuées on distingue deux cas possibles selon la loi de distribution complémentaire :

o   Dans une syllabe accentuée fermée, terminant par une consonne, la voyelle s’ouvre.

o   Dans une syllabe accentuée ouverte, terminant par une voyelle, la voyelle se ferme.

Ex : sel/ces, seul/ceux

Hélas cette loi, toute française qu’elle est, connaît des exceptions :

·      Certaines graphies (ais, ait, ai, aix, etc.) n’autorisent pas que le /e/ se ferme.

·      Le son [f] de danseuse ne s’ouvre pas suivi de [z].

·      En position accentuée fermée le [o] ne s’ouvre pas quand :

o   La graphie résulte d’une ancienne diphtongue comme au ou eau.

o    Le ô marque la chute d’une consonne.

o    Les mots sont d’origine grecque : chrome.

·       Cette loi est également inopérante lorsque l’ouverture de la voyelle est un trait pertinent pour distinguer deux monèmes ; jeune/jeûne.

    Le /A/ ne respecte pas cette loi, car son articulation est bien établie et aussi car sa variante postérieure tend à disparaître.

      Plus généralement si l’opposition a un faible rendement : c’est à dire qu’elle n’oppose dans la pratique que peu de monèmes, alors elle tend à disparaître, comme c’est le cas pour l’opposition de nasales dans brun et brin.

·      Ajoutons les facteurs externes que sont les variations de substrat régional ou d’efforts sociolectaux, qui interviennent dans le respect ou non de cette règle.

En effet selon les régions de France le système vocalique peut comporter de 7 à 16 voyelles distinctes, la région, la couche sociale, l’éducation, l’âge, la mobilité, sont autant de critères de variation.

Comme pour les consonnes l’auteur propose des statistiques pour établir un paysage vocalique du français, et selon lesquelles :

·      60% des voyelles du français sont antérieures.

·      68% sont labiales.

·      La distinction orale nasale est particulièrement marquée par rapport à d’autres langues.

·      L’articulation du français est plus marquée en comparaison d’autres langues voisines.

Dans le domaine de la phonostylistiques on peut distinguer trois grandes sources de variations :

  1. ·      Les variations issues d’un usage déviant et souvent à but évocateur, poétique.
  2. ·      Les variations portant sur un phone particulier et qui trahissent une aspiration à reproduire le discours d’une classe sociale déterminée.
  3. ·    Les variations inconscientes s’appliquant à un trait articulatoire général et avec un but impressif certain:

o   L’antériorisation, d’effet précieux, où chaque articulation vocalique est déplacée vers l’avant ainsi que son contraire la postériorisation qui évoque le parler macho.

o   L’ouverture,  du parler parisien, où chaque articulation vocalique est un petit peu plus ouverte et son contraire la fermeture.

o   La labialisation où toutes les voyelles sont labialisées comme dans le parler d’un enfant.

o   La nasalisation, qui peut être une patologie on parle alors de nasonnement,  et le nasillement, procédé par lequel toutes les voyelles deviennent nasales et qui manifeste ironie ou la supériorité.

o   Le relâchement où les voyelles se ferment et les consonnes s’ouvrent pour produire un discours indistinct propre aux ivrogne ou aux personnes arrassées.

o   La tension qui connote l’emphase ou la colère et qui renforce voire exagère les différences entre les voyelles.

 

 

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