lundi 18 mai 2009

INTRODUCTION

Tout

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Toutd Tout dire d’un domaine et de façon accessible à tous est une ambition que cet ouvrage n’a pas. Pierre Léon offre dans ce livre un panorama des différentes branches de ce qu’il nomme dans son titre le phonétisme du français. Cet ouvrage se veut un outil de connaissance globale, on y trouvera des bibliographies ciblées par sujet, des illustrations nombreuses, ou des tests d’autoévaluation des connaissances. L’ambition de ce livre n’est pas de décrire chaque sujet dans ces moindres détails ni d’en souligner tous les enjeux, mais plutôt d’offrir une introduction aux néophytes et une source de références aux connaisseurs, dans ce domaine de recherche.

Pi Pi Pierre Léon a beaucoup écrit sur la prononciation du français, récemment il a même publié quelques ouvrages en directions du FLE, et depuis plusieurs décennies il a fait l’effort de mettre à disposition des étudiants, spécialistes ou pas, des ouvrages interactifs et accessibles sur les sujets de ses recherches.

C Ce l Ce livre s’organise comme un cheminement. Les chapitres s’y suivent apportant chacun une pierre à l’édifice de la connaissance. Au fur et à mesure que nous avancerons dans les chapitres, nous suivrons aussi l’histoire de la recherche, P. Léon a soin d’attirer notre regard sur des sujets où les chercheurs s’accordent autant que sur d'autres qui font encore l'objet de débats.

P Pou Pour rendre compte de cet ouvrage, nous nous laisserons donc guider par la plume de l’auteur suivant l’ordre qu’il à choisi, parfois nous réaménagerons les informations au sein d’un même chapitre, mais rarement entre différents chapitres, dans le but d’en rendre compte dans l'esprit de l’auteur. Dans le cadre de cet exercice nous devrons pratiquer à contre cœur un tri de l’information, laissant de côté certaines allusions pittoresques, ou certaines questions trop pointues pour figurer ici, qui, si elles ajoutent en saveurs à cet ouvrage ne sont pas indispensables à sa compréhension.

CHAPITRE 1: Généralités sur les composantes du langage.

 

           Pour ouvrir ce chapitre P. Léon commence par distinguer deux plans du langage. Le contenu, le plan des idées, des images mentales, et l’expression qui est le plan des outils qu’utilise la langue et qui sont principalement d’ordre prosodique ou phonématique.

Se penchant d’abord sur le plan du contenu il distingue deux unités, les lexèmes  et les monèmes,  attention un même mot peut agglomérer plusieurs lexèmes et plusieurs monèmes. Malheureusement il n’explique pas précisément la distinction entre les deux termes, il me semble que si je devais proposer ma propre distinction entre ces deux termes je me réfèrerais à la partie du mot qui correspond à une entité lexicale pour le lexème et le jeu de suffixe et préfixe pour les monèmes, exemple : Heureusement /Heureus = léxème/ ement = monème.

En continuant sur le plan du contenu, il précise que sa forme peut aussi véhiculer un sens, la syntaxe, par exemple, en organisant les  même unités de sens entre elles construit des variations de sens:  la maison blanche/ la blanche maison.

Il revient ensuite au plan de l’expression, dont l’unité première, l’outil de base est le phone,  celui-ci peut être voyelle, consonne, ou semi-consonne. Ces phones sont également combinés avec les éléments prosodiques que sont : la durée, l’intensité, et la mélodie. Ces derniers éléments sans perturber l’articulation précisent le contenu et identifient  le locuteur.

Il souligne ensuite que dans le cadre d’une langue, les phones, notés entre [] doivent acquérir des oppositions entre eux pour pouvoir fonctionner comme relayeur définis du contenu. Ainsi un ensemble de phones seront regroupés sous un même phonème, noté entre//,  la phonologie est la science qui étudie ces phones fonctionnels et leurs jeux d’opposition entre eux. L’usage d’un phone plutôt que d’un autre pour un même phonème là aussi renseigne et indique une variante qui a lieu dans le cadre d’un code, c’est à dire d’une convention commune de signification qui a un pouvoir d’abstraction, ce pouvoir permet de référer à des réalités éloignées dans le temps et dans l’espace. Cette relation phone/phonème et leur organisation permet par la double articulation du langage avec un nombre limité de signes de référer à une infinité de contenus.

Nous avons vu que les phones se combinent avec l’intonation dont la première unité est l’intonème, qui définit au moins trois grands types de lignes mélodiques distinctes : montantes (ex : ça va?), descendantes (ex : oui ça va), et montantes-descendantes. On peut également découper les énoncés par l’accentuation en segments qui coïncident avec les changements d’intonations. C’est la modulation de ces paradigmes qui permet de décoder l’émotion.

Il revient ensuite sur la vision saussurienne du signe, dans laquelle on distingue le signifiant (matière sonore ou écrite) du signifié (image mentale, concept, idée). Il décrit le voyage de ce signe linguistique par les phases cérébrales, physiologiques  et acoustiques de l’émetteur et auditives, perceptives  et  cérébrales  pour le récepteur.

Continuant le chemin tracé par Saussure, il distingue deux types de signes,  abstraits,donc conventionnels, ou  motivés si ils réfèrent à une réalité dans leur expression (onomatopées) attention, même motivés ces signes se conforment aux interprétations de chaque langue et possèdent donc une part de convention. De même ces signes vivent et à travers l’histoire de la langue un signe motivé peut perdre aux yeux des utilisateurs de la langue la capacité de référence qu’il avait et donc devenir parfaitement abstrait (pensons à l’exempleque l'auter propose du mot pigeon venant d’une onomatopée latine, mais dont on l’ignore aujourd’hui le lien).

L’expression de l’émotion dans le langage, dit-il connaît quelques universaux, et on peut décrire le continuum suivant : plus nous nous trouvons dans l’émotion et plus l’intercompréhension est possible, et à tel point que nous pouvons percevoir les émotions d’énoncés animaux, et plus nous sommes dans l’attitude et plus les signes prosodiques sont filtrés par la phonologie de chaque langue.

 

CHAPITRE 2 : Du son à la graphie, la transcription phonétique.

 La langue est d’abord parlée, elle préexiste à son code écrit qui n’est qu’un substitut, qui peut référer de manière sonore ou visuelle à la réalité. L’auteur parcourt l’histoire de la naissance de l’écriture et son évolution vers des systèmes plus complexes et plus performants en passant par les  pictogrammes, idéogrammes  et  phonogrammes, dont il ne donne pas de définition.

Soulignant que l’oralité d’une langue évolue plus vite que son écriture il décrit l’inadéquation de la graphie du français relativement à sa phonologie. Chaque langue entretient d’ailleurs une relation plus ou moins fidèle entre graphie et réalité sonore

L’auteur revient sur les différentes tentatives du XIX s pour retranscrire scrupuleusement la réalité orale de la langue, et en arrive à l’alphabet phonétique international et à son dilemme : sacrifier un peu de précision à la description pour pouvoir faire l’usage d’un même outil pour plusieurs/toutes les langue du monde. Cet alphabet fut ensuite enrichit de divers signes qui viendront affiner la description d’une variation, ces signes sont dits  diacritiques, ils marquent une variation de  timbre, de durée, d’aperture, d’accentuation, ou encore l’assimilation d’une consonne (c’est-à-dire son voisement ou son dévoisement). Notons cependant comme il le rappelle que les éléments prosodiques restent un peu à l’écart de ces transcriptions.

L’auteur propose une description des voyelles du français :

A timbre unique elles peuvent être orales : [i], [u], [y], nasales  an [ɑ̃]en [ɑ̃]in [ɛ̃]on [ɔ̃]un [œ̃].  ou semi-voyelles [j], [w], [m].

A double timbre;  le E qui se prononce  [e] ou [ɛ],  le EU qui se prononce [œ] ou [ø],  le O qui se prononce [o]ou [ɔ],  et le A qui se prononce [ɑ] ou [a], c’est–à-dire celles qui peuvent être réalisées de deux manières distinctes, ouvertes ou fermées, ou confondues selon les groupes sociaux et géographiques.

Il décrit ensuite les 18 consonnes du français standard non sans rappeler que l’usage en connaît d’autres, mais que cette norme-ci est celle qui nous intéresse nous pédagogues en FLE.

Dans la chaine de réalisation des phones il nomme mots phoniques l’unité première dont la caractéristique est d’être terminée par une syllabe accentuée et possédant une unité de rythme. Il existe aussi des  groupes de souffle délimités pas des pauses, que l’on note l ou ll selon son importance, ces groupes recoupent les mots phoniques.

Enfin,  l’auteur aborde les graphèmes; la plus petite unité graphique constituée d’une ou plusieurs lettres, ils peuvent être de trois types :

·      Phonogrammes : relatifs à un phone.

·      Morphogrammes : relatifs à un morphème.

·      Logogrammes : relatifs à un lexème.

 

CHAPITRE 3: La nature physique des sons de la parole.


Pour comprendre les divers natures du son, P.Léon propose de le considérer comme la sensation perçue par l’oreille, produite par la vibration d’un corps, et que l’on peut évaluer selon quatre critères : Durée, intensité, hauteur et timbre.

L’intensité est l’amplitude de la vibration à l’origine du son.

La hauteur est la fréquence de cette vibration qui sera d’autant plus grande que le son sera aigu. La fréquence se mesure en Herz selon le temps nécessaire à un cycle de double vibrations. Les voyelles ont des fréquences supérieures aux consonnes, de même les femmes ont la voix plus haute que les hommes, donc une fréquence plus élevée.

Le timbre c’est la variante physiologique du son qui nous permet de distinguer pour deux sons d’hauteur et d’intensité égales, si l’on entend la clarinette ou le hautbois. Le timbre est le résultat de nombreux facteurs acoustiques, on classe différents types d’ondes selon qu’elles soient périodiques, apériodiques, simples ou complexes. Parmi ces dernières on identifie un fondamental qui est la fréquence la plus basse d’une série et à laquelle on reconnaît le son, et plusieurs harmoniques dont les fréquences sont des multiples de la fréquence du fondamental.

Toutes les cavités possèdent une fréquence de résonance propre, une zone de fréquence dans laquelle elle renforce le son. Les cavités buccales et nasales aussi, et lors de la réalisation de la parole les sons viennent se renforcer dans ces zones fréquentielles que l’on nomme formant et qui font ressortir les harmoniques.

L’auteur poursuit sur les consonnes, elles sont le résultat du croisement de nombreux facteurs complexes qui influent sur la nature du son produit :

Le degré de périodicité : selon qu’elles soient apériodiques (P,T,K,S,F,CH), mélangées de périodicité (B,D,G,V,Z,J), ou périodiques (M,N,L,R).

Le degré d’interruption : selon que les consonnes soient occlusives ou fricatives.

L’effet de transition consonantique sur le formants voyelles : selon que ces transitions soient dentales, labiales ou palatales.

La vitesse de transition : occlusives et fricatives ont des vitesses de transition distinctes.

Les semi-consonnes partagent certains des traits définitoires des voyelles et d’autres des consonnes.



CHAPITRE 4: La perception des sons de la parole.


L’oreille humaine est particulièrement sensible et peut entendre des sons de quelques 1600 fréquences différentes ainsi que de 350 intensités, en croisant ces deux chiffres on arriverait donc à un total de 340 000 sons théoriquement  identifiables, dans la réalité nous ne reconnaissons les sons que comparativement les uns aux autres, d’ailleurs ce champs de perception s’amoindrit à partir de dix ans et plus tard avec la vieillesse.

Pour ouvrir ce chapitre l’auteur distingue   l’audition qui est l’activité de l’oreille de la perception qui est l’activité mentale.

Pour mesurer ce que l’homme peut entendre nous utilisons le Bel, du nom de son inventeur, sur une échelle subjective partant de zéro et allant jusqu’à 14,  niveau auquel le son est intolérablement fort. Pour préciser cette échelle on parle plus souvent de décibels. La voix humaine peut aller de quelques décibels pour un murmure jusqu’à 80 décibels pour les chanteurs d’opéra, même si en moyenne la parole se trouve autour de 25 décibels. Pour celle-ci, on distingue en fait les consonnes , surtout les occlusives, et plus difficilement  les voyelles, c’est le spectre harmonique qui nous renseigne.

L’oreille humaine peut percevoir les variations de hauteur d’un son dès que celui-ci dure 5 centimètres de seconde. Lorsque l’on parle l’oreille ne retient en fait des voyelles que le fondamental dont la ligne mélodique est ce que nous avons appelé l’intonation. Dans le cas ou le fondamental serait trop faible les deux premières harmoniques jouent son rôle dans la perception.

L’oreille humaine est ainsi faîte que l’augmentation de la fréquence en Hertz doit suivre un logarythme, c’est-à-dire  une évolution exponentielle, pour que l’on perçoive une augmentation régulière. Si en tournant le volume de notre radio nous ne rajoutions que 100 Hertz à la fréquence du son à chaque fois, alors nous aurions la sensation que nous augmenterions le son chaque fois d’un peu moins.

La perception des voyelles passe essentiellement par les deux premiers formants et par les frictions et explosions pour les consonnes. Cependant la richesse d’information d’une voix humaine nous permet de  reconnaître très rapidement son propriétaire. Car si l’oreille ne perçoit pas directement les harmoniques leurs influences sur la coloration d’ensemble est indéniable.

Les organes humains contraignent la voix dans sa hauteur, son intensité et sa durée, et contraignent également l’oreille qui connaît des seuils d’audibilité ou de tolérance qui  l’autorise à entendre une dizaine d’octave environs, c'est-à-dire, des sons de 16 à 16000 Hertz.

La parole et l’audition entretiennent une telle relation que les troubles de l’audition de certaines fréquences entrainent également des troubles de la parole dans les mêmes fréquences.

 

CHAPITRE 5: La production des sons de la parole.



La phonation (parole) est l’usage secondaire d’organe initialement destinés à d’autres fonctions. Les poumons envoient l’air qui fait vibrer les cordes vocales, cette vibration est modulée par la position d’autres organes dits articulatoires : larynx, pharynx, langue, voile du palais, palais dur, fosses nasales , dents lèvres.

Selon les recherches on attribue la vibration des cordes vocales à différentes origines, l’auteur s’exprime en faveur d’une origine cérébrales entretenue par les pulsions d’air et facilitée par l’élasticité des cordes vocales.

C’est sur l’expiration que sont produits les langages humains et les cris animaux, à quelques exceptions près du côté des animaux et de quelques langues à clicks africaines, même dans le français, on trouve parfois des monosyllabes sur l’inspiration « oui, oh… » et qui possèdent une teneur expressive forte.

La puissance de la voix est l’effet d’un savant dosage de tension musculaire des cordes vocales et d’utilisation des cavités de résonnances buccales, labiales et nasales ainsi que de la force de l‘air expulsé.

Pour expliquer le jeu des organes lors de la phonation, l’auteur se lance dans une description qui pour être suivie mérite de s’aider des illustrations suivantes :

Illustration p.51

Illustration p.53

L’air des poumons passe par la trachée artère pour arriver au larynx où se trouvent les cordes vocales, tendues entre l’os tyroïde d’une part et les cartilages aryténoïdes d’autres part, ces derniers sont eux même amarrés aux cricoïdes qui pivotent et donc permettent une plus ou moins grande ouverture selon les besoins. L’ouverture sera maximale pour une respiration profonde et ira se refermer chaque fois plus pour une respiration normale, puis pour le chuchotement et enfin pour la phonation, encore que pour la réalisation de certains phones la fermeture ne soit pas complète.

La longueur des cordes vocales est le facteur anatomique qui décide de la hauteur de la voix qui se définit en trois critères :

Le fondamental qui est la hauteur naturelle de notre voix lorsque l’on rit par exemple.

La tessiture que les musiciens appellent l’ambitus, c’est la gamme de hauteur que la voix peut produire sans trop d’efforts.

Le registre c’est la zone dans la tessiture dans laquelle nous sommes le plus à l’aise et que nous utilisons couramment.

Nos organes peuvent produire toutes sortes de sons qui n’ont pas forcément à voir avec la parole, remarquons tout de même le cas du larynx qui produit deux phénomènes notables : l’aspiration qui est en fait une expiration faites avec les cordes vocales légèrement ouvertes, et le coup de glotte qui est la fermeture brusque des cordes vocales que l’on fait spontanément en toussant ou à l’attaque de « encore !!! » , ce phénomène a valeur de phone, de signe d’expressivité ou bien même de phonème selon les langues.

Les cordes vocales servent également à faire une distinction très productive, celle du voisement ou non des phones. Si l’on fait vibrer les cordes vocales lors de la réalisation d’un phone celui-ci est sonore ou voisé, sinon il est sourd ou non voisé.

La voix chuchotée est entièrement non voisée, la mélodie disparaît donc et des phénomènes de compensation se mettent en place dans les cavités buccales. Notons qu’un phone théoriquement voisé peut devenir sourd dans la chaine de réalisation et selon son entourage, ou inversement un phone non voisé peut se voiser, prenons les exemples proposés par l’auteur : dans « anecdote » la première occlusive est sonorisée, dans « médecin » le /d/ est dévoisé.

Sur le plan de la phonation la syllabe est l’unité de pulsion du larynx pour constituer le son, elle peut être croissante ou décroissante , accentuée ou non.

La langue et les lèvres en bougeant donnent des timbres particuliers, c’est l’articulation dans laquelle on distingue trois catégories en fonction de l’aperture:

Les voyelles l’articulation est libre, non obstruée.

Les consonnes constrictives ou continues (f,s,v,z,l,r,ch,je) pour lesquelles une relative fermeture des cordes vocales entraine une friction.

Les consonnes occlusives ou momentanées (p,t,k,b,d,g,) qui bloquent l’air et se déroulent en trois temps : implosion, tenue, explosion.

L’endroit où le passage de l’air est le plus étroit est nommé lieu d’articulation, le jeu des organes articulatoires permet de nombreux lieux d’articulation. Pour les voyelles le lieu d’articulation détermine un timbre antérieur , postérieur, ouvert ou fermé. Pour les consonnes les articulations sont beaucoup plus précises. Selon la partie de la langue, apex, zone pré ou post-dorsale, qui se rapproche du palais (luette, palais mou ou dur) ou des dents, on donnera un nom correspondant au phone comme sur l’illustration suivante de la page 61 (la partie hachurée montrant les zones de contact de la langue avec le palais).

Ce domaine particulier rencontre néanmoins divers limites, personne n’a la même physionomie, ni personne ne prononce exactement identiquement les phones, ni non plus ne reproduit toujours les mêmes réalisations, il est par ailleurs difficile de mesurer le rôle de compensation d’autres organes dans la réalisation d’un phone, enfin en 1996 lors de la réédition de cet ouvrage la science buttait encore avec le défi de représenter l’évolution tridimensionnelle de la phonation.




CHAPITRE 6 : Le classement et le fonctionnement des sons de la parole.

 

Pour classer les consonnes on parle de différents modes articulatoires que l’on distingue ainsi :

·      Le fonctionnement laryngien : c’est-à-dire le voisement ou non.

·      Le fonctionnement vélaire : à savoir si la consonne est orale ou nasale.

·      Le fonctionnement articulatoire : qui distingue constrictives  et occlusives. (notons que les occlusives nasales laissent tout de même s’échapper un peu d’air par le nez).

Pour que notre parole soit équilibrée l’énergie nécessaire à la production des phones doit être inégalement répartie. Les phones non voisés doivent être plus fortement articulés, une loi d’équilibre entre larynx et articulations supra-glottiques  opère.

En plus des modes articulatoires il nous faut considérer les lieux d’articulations qui suivent : consonnes bilabiales /p,b/, consonnes labiodentales /f,v/, consonnes apicodentales /t,d,n/, consonnes apicoalvéolaires /l/, consonnes prédorso prépalatales, labiales /ch,je/, consonnes medio palatales/-ing/, les dorsopalatales /k,g/qui peuvent être être dorsovélaires suivies d’une voyelle postérieure, et enfin les consonnes postdorsovélaires /gn/.

Tous ces critères confondus constituent les traits articulatoires, on dira d’un trait qu’il est distinctif si il permet de distinguer un phonème d’un autre. La série /p,t,k/ s’oppose à son corrélat /b,d,g/ par le trait de voisement. Attention, dans la réalisation pratique de la parole cette corrélation n’empêche pas la série voisée de perdre son voisement dans des contextes précis, et inversement pour les consonnes normalement sourdes.

Notons que les semi-consonnes appelées jod et ué qui sont respectivement dérivées du /i/ et du /y/ en garde une articulation assez proche quoiqu’elles  n’est pas de valeurs phonologiques en français. Regrettons ici que l’auteur n’approfondisse pas plus ce qui fait la spécificité de ces deux phones, et qu’il se contente de dire qu’elles sont le résultat d’assimilation.

Toutefois il existe d’autres assimilations possibles :

·      L’antériorisation :  c’est le cas que nous venons de voir du/k,g/ qui peut varier de lieu d’articulation selon la voyelle qui le suit.

·      La palatalisations : lorsque la langue s’écrase contre le milieu de la voûte palatine, les exemples les plus fréquents étant le /t,k/ suivis de /a,i/.

Lorsque deux consonnes sont en contact, la plus forte assimile la plus faible, c’est la variante combinatoire :

  • ·      Précédés d’une consonne sourde dans la syllabe /l,r/ se dévoisent, ex : clef, très.
  • ·      Lorsque deux consonnes de deux syllabes différentes sont en contact la seconde qui en position d’attaque est plus forte et donne ses traits à la première qui est articulatoirement plus faible. Ex : absent.
  • ·      Les assimilations peuvent également être régressives lorsque dans une même syllabe la consonne forte donne un de ses traits à celle qui la précède, ex : ch’crois.
  • ·      La nasalisation est également présente dans plusieurs langues en français c’est le signe d’une articulation relâchée.

Les variations consonantiques sont des indices dialectaux ou sociaux, c’est-à-dire que les variantes phonétiques d’un même phonème sont différemment acceptées selon les origines sociales et géographiques. Ainsi le /R/ peut être roulé (rural), grasseyé (standard), ou omis (caraïbes), sans affecter le sens, et cette variation renseigne sur le locuteur.

La phonostylistique, elle,   est le domaine qui étudie les variations nées d’un effort, conscient ou pas. La palatalisation en français est un indice dialectal, par contre dans certaines langues slaves il est la manifestation du discours amoureux, ailleurs il peut aussi exprimer le dégoût.

N’oublions pas qu’une variation consonantique peut aussi être le résultat d’une malformation ou d’un désordre psycho-physiologique.

On dit d’une variante qu’elle est phonostylistique si le contexte phonique ne suffit pas à la justifer.

L’auteur nous propose une série de statistique autour des occurrences de chaque phonème du français, dont la conclusion est que l’image sonore générale du français est bien équilibrée, comprenons que les différents sons y sont harmonieusement représentés.

Notons pour conclure ce chapitre qu’il existe un classement de phonétique impressive qui à la faveur des stylisticiens et qui distingue les consonnes en d’autres catégories moins empiriques mais plus évocatrices ;  explosives (pour occlusives), sifflantes, chuintantes, roulées, liquides, mouillées.

 

CHAPITRE 7: Le classement et le fonctionnement des voyelles.


  Pour obtenir le timbre d’une voyelle les résonateurs buccaux, oraux, labiaux et nasaux  offrent un large jeu de possibilités.  Il existe quatre critères pour distinguer les voyelles entre elles :

  • 1.     L’aperture :c’est pour chaque voyelle le degré le plus minime d’écartement des mâchoires nécessaire à sa réalisation et ou l’élévation de la langue. Le /A/ est ouvert par rapport au /i/ qui est fermé.
  • 2.     Le lieu d’articulation classe les voyelles des plus antérieures au plus postérieures ; un exemple de voyelle postérieure sera le /i/ et d’antérieure /u/.
  • 3.     La nasalité si le voile du palais s’abaisse cela autorise une résonnance nasale, c’est la différence entre le /m/ nasal et le /b/ oral, notons que c’est une particularité du français que d’avoir cette distinction comme trait phonologique.
  • 4.     La labialité, les lèvres peuvent en effet constituer un résonateur supplémentaire, on distingue alors les voyelles arrondies et  écartées,  c’est le trait qui oppose /i/ et /y/.

Tous ces critères se croisent dans l’illustration suivante, le trapèze articulatoire des voyelles françaises :

 

Comme nos mâchoires sont attachées en un point comme les deux branches d’un compas, les voyelles les plus antérieures demandent une articulation plus manifeste alors que l’articulation des voyelles postérieures est plus subtile. Ce trapèze devrait donc être un secteur pour mieux représenter la réalité mais il serait alors illisible. En contemplant cette illustration on comprend pourquoi le français donne la sensation aux étranger d’être une langue parlée du bout des lèvres, c’est que en effet deux tiers de nos voyelles sont antérieures.

Notons que les voyelles nasales ne se sous distinguent que par leur labialité et par leur lieu d’articulation, l’aperture ne faisant pas lieu d’observation.

  Il existe encore un autre critère de distinction des voyelles, c’est l’acuité, aigue ou grave, qui se déduit no pas du formant le plus bas mais au contraire du plus haut. En d’autres termes, toutes les voyelles si elles étaient chantées sur la même note donnerait la sensation d’être chantées à des hauteurs différentes, du fait de leurs formants. On perçoit aigues les voyelles dont la fréquence du plus haut formant est supérieure à 1600 Hz /i,y,E/. Remarquons que les nasales ont un formant haut correspondant à leurs corrélats oraux, mais par contre possèdent deux formant bas qui sont de même hauteurs pour les quatre nasales, ce sont ces deux formants bas qui, selon toutes hypothèses, sont responsables de leurs timbres particuliers.

En plus de ces caractéristiques intrinsèques il faut prendre en compte d’autres facteurs comme la coarticualtion qui veut que selon leurs voisinages les voyelles varieront légèrement, devenant plus ou moins antérieures et même dans certains cas prenant le trait de nasalité. Ce jeu de variation est également un indice sociolectal et dialectal infaillible.

Il faut aussi considérer le rôle de l’accentuation de la syllabe :

·      Dans une syllabe inaccentuée les voyelles tendent à devenir moyennes.

·      Dans les syllabes accentuées on distingue deux cas possibles selon la loi de distribution complémentaire :

o   Dans une syllabe accentuée fermée, terminant par une consonne, la voyelle s’ouvre.

o   Dans une syllabe accentuée ouverte, terminant par une voyelle, la voyelle se ferme.

Ex : sel/ces, seul/ceux

Hélas cette loi, toute française qu’elle est, connaît des exceptions :

·      Certaines graphies (ais, ait, ai, aix, etc.) n’autorisent pas que le /e/ se ferme.

·      Le son [f] de danseuse ne s’ouvre pas suivi de [z].

·      En position accentuée fermée le [o] ne s’ouvre pas quand :

o   La graphie résulte d’une ancienne diphtongue comme au ou eau.

o    Le ô marque la chute d’une consonne.

o    Les mots sont d’origine grecque : chrome.

·       Cette loi est également inopérante lorsque l’ouverture de la voyelle est un trait pertinent pour distinguer deux monèmes ; jeune/jeûne.

    Le /A/ ne respecte pas cette loi, car son articulation est bien établie et aussi car sa variante postérieure tend à disparaître.

      Plus généralement si l’opposition a un faible rendement : c’est à dire qu’elle n’oppose dans la pratique que peu de monèmes, alors elle tend à disparaître, comme c’est le cas pour l’opposition de nasales dans brun et brin.

·      Ajoutons les facteurs externes que sont les variations de substrat régional ou d’efforts sociolectaux, qui interviennent dans le respect ou non de cette règle.

En effet selon les régions de France le système vocalique peut comporter de 7 à 16 voyelles distinctes, la région, la couche sociale, l’éducation, l’âge, la mobilité, sont autant de critères de variation.

Comme pour les consonnes l’auteur propose des statistiques pour établir un paysage vocalique du français, et selon lesquelles :

·      60% des voyelles du français sont antérieures.

·      68% sont labiales.

·      La distinction orale nasale est particulièrement marquée par rapport à d’autres langues.

·      L’articulation du français est plus marquée en comparaison d’autres langues voisines.

Dans le domaine de la phonostylistiques on peut distinguer trois grandes sources de variations :

  1. ·      Les variations issues d’un usage déviant et souvent à but évocateur, poétique.
  2. ·      Les variations portant sur un phone particulier et qui trahissent une aspiration à reproduire le discours d’une classe sociale déterminée.
  3. ·    Les variations inconscientes s’appliquant à un trait articulatoire général et avec un but impressif certain:

o   L’antériorisation, d’effet précieux, où chaque articulation vocalique est déplacée vers l’avant ainsi que son contraire la postériorisation qui évoque le parler macho.

o   L’ouverture,  du parler parisien, où chaque articulation vocalique est un petit peu plus ouverte et son contraire la fermeture.

o   La labialisation où toutes les voyelles sont labialisées comme dans le parler d’un enfant.

o   La nasalisation, qui peut être une patologie on parle alors de nasonnement,  et le nasillement, procédé par lequel toutes les voyelles deviennent nasales et qui manifeste ironie ou la supériorité.

o   Le relâchement où les voyelles se ferment et les consonnes s’ouvrent pour produire un discours indistinct propre aux ivrogne ou aux personnes arrassées.

o   La tension qui connote l’emphase ou la colère et qui renforce voire exagère les différences entre les voyelles.

 

 

CHAPITRE 8: L’infrastructure rythmique: syllabes, groupes, pauses, débit, tempo

La syllabe est l’unité rythmique pulsionnelle qui se construit autour d’un noyau, la voyelle. Cette voyelle peut à elle seule constituer la syllabe  et dans d’autres langues une consonne très audible peut aussi jouer ce rôle, en français ce n’est le cas que pour les interjections.

A la fin de chaque syllabe la tension décroit et croit de nouveau à l’attaque de la suivante, c’est la jointure  ou joncture interne elle s’accompagne également d’une fermeture articulatoire.

À mon regret l’explication de la  coupe syllabique est incomplète car à lire ce que P.Léon écrit elle pourrait se placer n’importe où.

Grâce à une série de statistique l’auteur montre que les langues latine, dont le français fait partie, utilisent pour moitié un même type  CV de syllabe, alors que les langues germaniques et anglo-saxonne sont également réparties entre deux types principaux : CV et CVC. Notons également qu’à l’oral les langues latine emploient 80% de syllabes ouvertes et les langues germaniques et anglo-saxonne ont exactement la même proportion de syllabe fermées. Encore que , dans le cas du français la chute du e caduc crée des groupes consonantiques et rééquilibre un peu la balance.

L’auteur propose une classification des phones des plus fermés aux plus ouverts : d’abord viennent les consonnes sourdes, occlusives et fricatives, puis les occlusives sonores, suivies des fricatives sonores, puis les nasales et les latérales, suivies de la seule vibrante, suivent les semi-consonnes, puis les voyelles très fermées, fermées, ouvertes et très ouvertes.

 

Les syllabes ont une durée conditionnée par cinq facteurs :

 

1.     Le nombre de phones qui la compose, ex : strict est plus long que trique de même pour riz et enfin y, et pourtant tous ces mots sont monosyllabiques.

2.     Dans les types VC plus la consonne finale est forte et plus la syllabe sera brève et inversement.

3.     Certains phones allongent la syllabe de type VC [R,z,v].

4.     Les nasales ainsi que [a]  et [o] sont toujours allongées.

5.     Le débit lent ou rapide joue sur la durée de la syllabe, notons au passage que cette durée de la voyelle est un trait phonologique qui n’est plus pertinent en français mais subsiste phonétiquement dans certaines variations dialectales.

 

On peut distinguer  quatre types de variation phonostylistique de la durée :

  • 1.     La variation émotive incontrôlée généralisée comme le bégaiement par exemple.
  • 2.     La variation constitutive d’un phonostyle qui peut par exemple allonger certaines syllabes précises.
  • 3.     La variation contôlée d’allongement systématique, propre à la diction lyrique et particulièrement du XIXs.
  • 4.     La variation expressive contrôlée qui est la transposition à l’écrit des couleurs de l’oral en littérature.

 

Les syllabes se regroupent différemment :

·      En groupe phoniques ou mots phoniques, correspondant à une unité sonore.

·      En groupe de souffle de longueurs variables et terminé par une pause audible.

·      En syntagme, qui sont les unités syntaxiques minimales sur le plan linguistique.

·      En groupes rythmiques : qui est un syntagme actualisé dans la parole et dont la dernière syllabe est accentuée.

 

Les pauses, elles, se distinguent en trois types :

·      Les pauses respiratoires nécessaires à la reprise du souffle.

·      Les pauses grammaticales et les jonctures  que l’on fait pour aider à la compréhension comme dans l’exemple que l’auteur propose : petites # roues pour ne pas comprendre petits trous. On les trouve aussi au terme d’un paragraphe ou d’un discours important.

·      Les pauses d’hésitations :  qui sont soit de véritables pauses soit des pauses remplies par l’allongement d’un phone.

Les pauses peuvent aussi être le signe d’un phonostyle, soit qu’elle ont un effet identificateur et renseigne sur celui qui parle, sa confiance en lui, son émotion, son éducation, soit qu’elle ont un  effet impressif et que comme au théâtre le silence soit symbole de pouvoir et les pauses remplies signes de familiarité.

Le débit est la quantité de syllabes à la seconde, le tempo est l’évolution du débit, pour décrire ce dernier on emprunte au solfège des termes tels que allegro pour marquer  un débit soutenu ou encore accelerando et rallentando  pour signifier des accidents. Le tempo est un indicateur très clair des attitudes et émotions ou même d’un dialecte particulier. Remarquons enfin que contrairement à toute logique, tempi et débits sont concomitants, comprenons que celui qui parle lentement fait des pauses toutes aussi longues là où celui qui parle vite les abrège. Voilà qui chasse l’idée selon laquelle toutes les pauses servent à réfléchir.